Les yeux fixés, sur le projecteur, un petit homme brun
agrippé à sa guitare chante. De l'autre côté, le
public conquis s'est levé. Chacun entonne le refrain de la chanson fétiche.
C'était aux « Francofolies » de La Rochelle, en juillet
dernier : une ambiance exceptionnelle, une salle archi-comble, un concert qui
ne voulait jamais finir.
Casthélémis n'en espérait sûre¬ment pas tant,
son émotion était sincère, quand, à regret, il
a dû quitter la scène de la Maison de la culture.
« ENTRE DAX ET MONT-DE-MARSAN »
Faut dire qu'il en a gribouillé des pages et des pages, gratté tant
de mélodies sur sa guitare, avant de se faire entendre. A 37 ans, il
reste ébahi comme un adolescent devant son succès soudain. Cer¬tains
auraient détruit leur vie pour une poussière de gloire, lui n'a
jamais pris ses échecs au sérieux.
«
D’ailleurs, confie-t-il, je n'ai jamais considéré ma non-noto¬riété comme
un échec, puisque de toute façon je faisais ce qui me plaisait
: c'est un luxe. Mais comme je ne cours pas après les médias
... »
C'est donc sans amertume, mais plutôt avec humour et modestie, qu’il
nous a raconté sa trajectoire et ses origines landaises.
«
C'est de la faute à mes parents, si je suis né à Paris,
lance le chanteur. Eux et toute la famille sont de Campagne, un petit village
entre Dax et Mont-de-Mar¬san. Des paysan sans fortune, des gens qui travaillent
la terre. »
«
Mon père et ma mère sont montés à Paris pour acheter
un garage; poursuit-il, ils y sont restés. Toutes les vacances, ils
m'envoyaient dans les Lande me refaire une santé, chez mes grands-parents.
Ils parlaient tout le temps patois, j’ai hérité de cette culture. »
SES COPAINS L’APPELLENT CASTEL
Ses copains l’appellent Castel, son public Casthélémis, mais
pour la famille, ici, il reste Philippe Laboudigue ; le petit qui fait de la
musique : « un païs » ! N’empêche qu’il a fait une chanson
rien que pour eux, et pour ce bout de pays trop souvent oublié.
«
Tu sais, finalement, mon cheminement est assez classique. J'ai été au
lycée. Ah oui, un truc important : ma guitare ! Pour mes 16 ans, mes
parents m’avaient acheté une guitare espagnole. J’ai appris tout seul
le solfège, je gratouillais. Avec des copains, on a monté un
groupe. C'était la grande époque, il en fleurissait à tous
les coins à rue. Nous, on re¬prenait des tubes anglo-saxons, des
Beatles, Donovan …, et j'écri¬vais des paroles bidon dessus, trop
fainéant pour traduire. »
JOUER MIEUX OU ARRETER
Les M.J.C., les fêtes patronales de quartier se succèdent. Insouciance,
pas de projet d’avenir ni d’ambition de carrière, juste s’amuser avec
des copains …
«
Un jour, quelqu’un d’important m’a dit que c’était bien, et d’autres
ont suivis. Moi j’étais tout étonné, je ne m’étais
jamais posé la question de savoir ce que ça valait. C’est à cette époque
que j’ai tenté d’écrire mes mélodies avec un magnéto.
Après le bac,il a fallu choisir : jouer mieux ou arrêter ?
J’ai pas pu choisir. Alors j’ai trouvé un boulot : troubadour dans une
troupe de reconstitution du Moyen Âge. Mes parents étaient fous,
ils me voyaient ingénieur ou docteur. Sérieux quoi. »
Mai 68. Casthélémis, l’enfant terrible, ne peut laisser passer
l’occasion, ; il sera dans la rue.
«
oh, là, j’ai grandi tout d’un coup, confie-t-il dans un clin d’œil ;
avant j’étais un môme tu peux pas savoir. Je savais rien de ce
qui se passait dans le monde, après j’ai été très
vite plus lucide, adulte. D’ailleurs, je me suis plus engagé dans mes
chansons. »
« LA FAVELLA DE LEVALLOIS »
«
Après avoir fait le troubadour pendant un an, j’ai travaillé avec
mon père au garage, car la chanson, je pouvais pas en vivre. Je repeignais
des voitures. J’ai quand même fait un disque à cette époque
: « la Favella de Levallois » ; on l’a entendue dans les radios
tout un été, et puis plus rien. Pas de contrat.
«
Quand mon père est mort, j’ai arrêté de travailler au garage.
Et là, tout en continuant d’écrire et de chanter à droite à gauche,
j’ai fait trente-six petits boulots : barman, disquaire de boîte de nuit,
jusqu’en 1980. Et puis d’autres trente-trois sont sortis, j’ai fais des tournées, ça
s’est mis à mieux tourner pour moi. Mais j’ai ramé très
longtemps ».
AVEC LES HERITIERS DE TRENET
Aujourd’hui, Casthélémis a son public. Des lycéens pour
la plupart. Ceux qui savent les chansons par cœur, écrivent les paroles
sur leur cahier de cours et conservent, durant des années, le ticket
d’entrée du concert, froissé entre les pages de leur journal
intime.
Qu’importe ! Il est entré dans le clan de la « nouvelle chanson
française » au milieu des Cabrel, Souchon, Chedid … Les héritiers
de Trenet.
Isabelle Castéra
(NdM) L'orthographe catastrophique de Casthélémis est
une erreur de la journaliste que j'ai volontairement reproduite pour être
fidel
au texte!!!
Merci à Daniel Langlais pour cet article très instructif